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David Byrne’s American Utopia : un nouvel espoir

L’image a fait le tour du monde sur les réseaux sociaux ce week-end : dans une rue de Brooklyn envahie par la foule, le cinéaste Spike Lee célèbre la victoire présidentielle du candidat démocrate Joe Biden en ouvrant une bouteille de champagne. Une vidéo qui déborde de joie, de mousse et d’optimisme. L’espoir de retrouver une politique américaine plus digne que celle menée par le président sortant, Donald Trump. L’espoir aussi de retrouver une Amérique radieuse et ouverte. Le cinéaste new-yorkais l’a fait comprendre dans son nouveau projet : la captation d’un concert à Broadway par le leader des Talking Heads, David Byrne. Un show musical spectaculaire d’1h45 qui rayonne par son invitation à vivre dans un monde meilleur.

Ce n’est pas la première fois que les chansons des Talking Heads illuminent le cinéma. En 1984, le cinéaste Jonathan Demme avait effectué le même travail que Spike Lee avec Stop Making Sense. Considéré comme l’un des meilleurs films musicaux de tous les temps, ce film épatait par l’inventivité formelle du réalisateur pour traduire à l’image l’énergie débordante des interprètes de Psycho Killer ou This must be the place. Ce morceau qui sera repris pour le titre d’un long-métrage, de qualité inférieure pour être poli, de Paolo Sorrentino. David Byrne y figurera le temps d’un instant pour interpréter la célèbre chanson, face à un Sean Penn grimé en un mauvais pastiche de Robert Smith. Les Talking Heads séparés, David Byrne n’a pas lâché ses activités créatives et à continuer de faire perdurer la magie de ses chansons. C’est alors qu’est entré en jeu le projet American Utopia.

Spectacle qui mélange tubes célèbres et propositions inédites, où sont réunis Byrne ainsi que onze musiciens venus du monde entier, American Utopia est comme son titre l’indique une invitation à voir l’Amérique sous un jour meilleur. On comprend de suite ce qui a intéressé Spike Lee à filmer ce concert. Cinéaste observateur des nouvelles images populaires pour en étudier leurs répercussions, comme il le montrait dans The Very Black Show ou plus récemment BlackKklansman – J’ai infiltré le Ku Klux Klan, filmer une scène de Broadway était un cadeau pour lui pour permettre d’imaginer, de représenter quelque chose à l’écran. Ainsi, alors que s’enchaîne des morceaux comme Don’t worry about the government ou Burning Down the House, Lee ne lâche aucun de ses artistes, de nationalités différentes, pour leur donner l’opportunité de triompher sur scène. C’est un jeu qui se noue entre Spike Lee et David Byrne où chacun se pose en maître d’orchestre, l’un en musicien et l’autre en cinéaste, pour imaginer une Amérique post-Trump plus tolérante, plus apaisée. 

Ceci s’opère tout d’abord par une joie communicative de Byrne. L’artiste apparaît fidèle à lui-même, comme enfermé dans une bulle où il convie tout son public à y entrer. Une bulle dadaïste, dont Byrne fait allusion avec légèreté, qui ne va pas hésiter ensuite à expliquer le but de sa création. Rappeler les erreurs du passé pour ouvrir un chemin plus moderne. Dans ce qui est certainement le moment le plus politique du show, le groupe reprend une chanson de l’artiste Janelle Monae, reconnue pour sa polyvalence artistique et surtout son militantisme. Intitulé Hell You Talmbout, le morceau invite celui qui l’écoute à se souvenir des victimes de violences judiciaires et racistes. On reconnaît là aussi la patte de Spike Lee, qui ne va pas hésiter à dévoiler frontalement les visages des victimes par la liste des noms évoqués ; liste qui s’élèvera malheureusement encore après la captation du concert puisqu’un geste au montage rendre aussi hommage à Ahmaud Arbery, Breonna Tylor et George Floyd. Avant tout politique mais n’oubliant pas d’être radieux dans sa démarche, American Utopia excelle dans sa volonté de faire éveiller les consciences tout en célébrant les morceaux décalés du groupe. 

Se terminant dans une euphorie collective, où au-delà de la mise en scène, le groupe s’invite harmonieusement auprès du public, American Utopia est à l’image des récentes images que l’on a pu voir ces dernières heures. Lucide mais euphorique, il se dégage du film une ambiance particulièrement savoureuse dans son espoir de créer un monde meilleur pour une Amérique post-Trump. Le meilleur remède à 2020, il se trouve là.

Author

Victor Van De Kadsye

Victor Van De Kadsye

Créateur du site. Je ne vis que pour des artistes comme Michael Mann, Clint Eastwood, Hou Hsiao-hsien ou bien Kelly Reichardt. Capable de réciter n'importe quel réplique de l'âge d'or des "Simpson".

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