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Antidisturbios : la série-choc de Rodrigo Sorogoyen et Isabel Peña

On ne peut pas dire que Rodrigo Sorogoyen nous ait manqué cette année. Après avoir créé l’évènement dans le cinéma d’art-et-essai cet été avec son drame intimiste Madre, il débarque cette fois sur le petit écran avec sa scénariste Isabel Peña pour un nouveau choc politique digne de son coup de maître, El Reino. En prenant pour point de départ une bavure policière, Antidisturbios va décomposer la politique espagnole pour ne pas lui faire de cadeau. Une série qui résonne amèrement avec notre actualité, disponible sur MyCanal.

Le format de la série, automatiquement découpé par épisodes, réussit au duo prolifique du cinéma espagnol. Pour commencer, Antidisturbios nous ramène aux thrillers qui ont consacré Sorogoyen et Peña aux yeux du public et de la critique. La caméra au plus près de nos protagonistes, comme braquée sur leurs figures, on suit leurs actions à fleur de peau par le rythme de longs plans-séquences, souvent haletants. Des séquences qui enferment les protagonistes dans leurs retranchements, quitte à provoquer des conséquences souvent désastreuses. Les policiers violents que nous rencontrons dès le début tombent dans la même spirale que le politicien véreux incarné par Antonio De La Torre dans El Reino. Suite à de lourdes erreurs commises par l’utilisation de la violence dans l’exercice de leurs fonctions, qui provoquera un décès lors d’une expulsion, on suit dans un premier temps la quête pour ce groupe de se dédouaner d’une telle tragédie. 

En cela, la série dresse un portrait féroce sur une toxicité masculine qui contamine une institution censée protéger la population et non sévir envers elle. Minutieux dans ce qu’ils racontent, le duo d’auteurs va dans un premier temps filmer leurs chutes avec justesse notamment dans l’information de leurs actions par les réseaux sociaux. Impossible de ne pas faire le lien avec ce qui se passe actuellement dans un pays voisin de l’Espagne… Mais l’inscription de ce point de départ dans le cadre d’un récit sériel permet à Sorogoyen et Peña d’aller plus loin qu’une charge contre les violences policières. Cela se joue à travers le personnage conducteur de la série, Laia. Enquêtrice aux affaires internes, c’est elle qui est chargée de déceler ce qui s’est réellement passé lors de cette bavure et comment ont-ils pu en arriver là. Plus les rencontres avec les policiers incriminés se font, plus elle se rend compte que quelque chose de louche se passe administrativement. Antidisturbios devient alors une série d’enquêtes qui égratigne la corruption dans la politique espagnole.

Malgré des moments de tension particulièrement nerveux au fil des épisodes, notamment une séquence d’affrontements entre supporters lors d’un match entre le Real Madrid et l’Olympique de Marseille, la réalisation de Sorogoyen se veut plus posée que d’habitude pour raconter cette histoire vraie. On y retrouve les nuances de ses personnages troubles, que l’on pouvait déjà constater cet été dans le dérangeant Madre. La grande réussite de la série réside alors dans le trouble qui occupe ces protagonistes. Elle nous plonge de plein fouet dans une réalité en apparence simple mais bourrée de complexité.

Forte dans son expression d’une colère politique, Antidisturbios est une série redoutable qui vous captivera autant qu’elle vous questionnera directement. Elle est aussi une preuve que Sorogoyen et Pena savent affronter n’importe quelle challenge et font d’eux des nouvelles figures importantes du cinéma espagnol.

Author

Victor Van De Kadsye

Victor Van De Kadsye

Créateur du site. Je ne vis que pour des artistes comme Michael Mann, Clint Eastwood, Hou Hsiao-hsien ou bien Kelly Reichardt. Capable de réciter n'importe quel réplique de l'âge d'or des "Simpson".

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