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Happiest Season : tout ce que j’ai toujours voulu pour Noël

Lumières chaleureuses dans le froid hivernal, paquets cadeaux dorés et une belle famille autour du sapin, le nouveau classique de Noël est là et il promet la plus joyeuse des saisons.

Depuis aussi longtemps que je me souvienne, je n’ai jamais aimé les comédies romantiques. Parce que trop sexistes et prévisibles pour moi, et aussi, très personnellement et peut-être un peu égoistement, parce que jamais je ne me suis vue et n’ai pu m’identifier à l’une des héroïnes. Assez paradoxalement, depuis aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours eu un faible pour les films de Noël. Pourtant en grande majorité des romcom pleines de bons sentiments, chaque année je regarde ces films Hallmark (chaîne américaine spécialisée dans la romance, reconnue pour ses films de Noël) du coin de l’oeil simplement pour l’atmosphère des fêtes de fin d’année que j’aime tant, pour un plan d’un sapin bien décoré ou d’un paysage enneigé qui me réchauffe le coeur, sans vraiment prêter attention à l’histoire. Parce que cette dernière est sensiblement toujours la même : une femme blanche rencontre un homme blanc, les deux tombent amoureux après de nombreuses péripéties et retournements de situations que l’on connaît déjà dès le générique, et un père noël de supermarché ou une escapade à la patinoire offre une séquence cocasse. Jamais une telle intrigue ne m’a attiré ou ne m’a touché puisque jamais ces films n’ont daigné simplement admettre mon existence dans les familles qu’ils exposent, et encore moins me dire qu’un jour je pourrais être la protagoniste amoureuse et heureuse. Alors, depuis aussi longtemps que je me souvienne, j’attend une comédie romantique américaine bien cliché mettant en scène des personnages comme moi, lesbiens, dans une histoire qui pourrait être la mienne et me mettrait des étoiles dans les yeux. Avec un bonus si elle s’avère se dérouler pendant les fêtes de fin d’année. Cette année, Clea DuVall a enfin entendu mes prières puisque le 25 Novembre est sorti son film : Happiest Season.

Abby (Kristen Stewart) et Harper (Mackenzie Davis) sont l’incarnation même de l’amour. Elles forment un couple plus qu’attachant, avec plus d’alchimie que votre couple de célébrités préféré, et qui est sur le point de passer une grande étape : Abby s’apprête à demander Harper en mariage alors que cette dernière l’invite pour Noël dans sa famille, apparemment assez traditionaliste, qui ne sait pas qu’elle est lesbienne. Par la force des choses Harper impose ce secret à Abby qui prétend alors n’être que sa colocataire, seule pour les fêtes. Les deux doivent donc faire semblant de n’être qu’amies pendant les cinq jours chez les parents d’Harper qui portent toute leur attention sur cette dernière, leur préférée, et mettent toute leur énergie à ce que ce Noël soit le plus “parfait” possible, afin qu’ils et elles soient perçus comme la famille “parfaite” pour la campagne électorale du père. Évidemment un tel pitch promet autant de gags visuels que de retournements de situations mi-dramatiques mi-romantiques, toujours aussi prévisibles, si chers aux films de Noël et comédies romantiques. De la rivalité entre soeurs pour la reconnaissance des parents, à des silences gênants après le déballage d’un cadeau moyen, en passant évidemment par une sortie à la patinoire, un meilleur ami sympathique et drôle (on dit bonjour à Dan Levy) et des ex surprises (et aussi à Aubrey Plaza), tout y est. Avec un petit quelque chose en plus. Puisque même si la formule est on ne peut plus classique, le fait que le couple principal soit un couple de femmes apporte à tous ces points, pourtant si codifiés et aseptisés, une nouvelle saveur. L’habituel « ma partenaire n’arrive pas à s’intégrer à ma famille », créant un tas de situations comiques, prend alors une toute autre dimension lorsque la raison est que cette dernière doit mentir parce que la vérité peut avoir de lourdes conséquences. Le rire est toujours là, et il est un réel soulagement, mais le chagrin l’est aussi. Et il sonne encore plus juste.

Clea DuVall capture une histoire inhéremment queer. Toutes les personnes LGBT+, ayant ou non fait leur coming-out, ressentent au plus profond d’elles-mêmes la peur d’une telle épreuve, mais aussi l’espoir qu’il y a derrière et la joie incommensurable qu’elle peut promettre. Le jeu de Kristen Stewart et Mackenzie Davis, et l’alchimie qu’il y a entre elles, n’y est pas pour rien. Leurs regards, leur familiarité l’une avec l’autre, leurs rires, font que, dès le générique de début, on les aime presque autant qu’elles s’aiment. Puis leurs expériences et visions bien différentes de la vie (auxquelles s’ajoutent celles des personnages de Levy et Plaza) font d’elles des personnages réellement humains pour qui, dès la première seconde de conflit, nos cœurs se brisent et l’on espère que tout ira bien. Parce que même si les choses ont évolué dans nos sociétés occidentales, et aussi fort l’amour puisse nous rendre, faire son coming-out n’est toujours pas un jeu d’enfant pour tout le monde. En l’occurrence, même si votre famille semble parfaite, le poids des apparences mêlé au besoin de se sentir véritablement aimé-e par celles et ceux censé-e-s nous chérir le plus au monde éclipse l’image que l’on se fait de notre fierté et notre nécessité à être honnête. Et Happiest Season explore tout cela à la perfection. Jamais je n’ai ressenti aussi profondément la tourmente d’une protagoniste d’un film de Noël comme j’ai ressenti celle d’Harper. Tout comme celle d’Abby d’ailleurs.

Malgré tout ce que le film apporte et représente, et tous ses points positifs, il entre également dans cette lignée de films queer dont l’intrigue est entièrement basée sur le coming-out. Bien qu’il soit une part importante de la vie, et qu’il prenne autant de formes différentes qu’il y a de personnes LGBT+, nombreux-ses sont celles et ceux qui éprouvent un léger ras-le-bol autour de cette tendance à ne raconter que cette histoire. Comme si une protagoniste lesbienne ne pouvait exister sans que toute sa personnalité ne soit réduite à sa sexualité, ou exister au-delà de la peur et des potentielles épreuves qu’un coming-out induit. Et à l’instar du révolutionnaire, selon moi, Love, Simon, Happiest Season va dans ce sens. Ceci dit, souligner cela ne m’a pas empêché de m’amuser et de passer par tout le spectre d’émotions humaines devant le film, puis de reconnaître que, tristement, ça reste encore aujourd’hui une histoire essentielle à raconter. D’autant plus lorsqu’elle est présentée dans un bel emballage, pas sans accrocs, qui, une fois ouvert, nous permet enfin d’expirer.

Puisque aussi, et surtout, jamais je n’ai ressenti aussi profondément le soulagement et le bonheur d’un personnage de comédie romantique comme j’ai ressenti ceux d’Harper et Abby. Et c’est ça que l’on veut désespérément dans un film de Noël. C’est ça que je recherche désespérément depuis petite. Il y a quelque chose de réconfortant dans le fait de savoir que quoi qu’il arrive, tout finira bien. Parce que, malgré les épreuves qui semblent insurmontables, c’est le contrat d’un film de Noël, d’autant plus une romcom. On est certain-e-s de s’y sentir bien, et c’est pour ça que l’on s’y replonge volontiers dedans chaque année. Et dans un monde où les rares protagonistes et personnages lesbiennes terminent en énorme majorité malheureuses, voire mortes, avoir l’assurance de leur fin heureuse est d’une immense joie et inspire un espoir et un courage toujours si vital.

Happiest Season est tout ce que j’ai toujours voulu d’une comédie romantique de Noël. Enfin, je comprends ce que la Terre entière ressent en regardant une romcom, et en en parlant comme d’une bouffée d’air frais, un instant d’évasion durant lequel tout le monde peut s’imaginer une vie merveilleuse pleine d’amour. Enfin, tout ça, je l’ai ressenti. Et plus encore. Happiest Season ne révolutionne pas le cinéma dans sa formalité, mais dans son existence. Il est ma petite bulle bien cliché et bien confortable dans laquelle je peux m’imaginer. Pas totalement dénué de drames non plus, le film explore des facettes importantes et effrayantes de la vie qu’une personne LGBT+ ne connaît que trop bien, tout en cochant toutes les cases du contrat du parfait petit film douillet de fin d’année. Son ambiance chaleureuse, ses lumières, ses boissons chaudes à la cannelle qu’on sentirait presque à travers l’écran, et ses disputes de familles avant une réconciliation autour du sapin, toutes ces choses aussi prévisibles qu’ordinaires nous font nous sentir en sécurité. Et pour une fois, cette sécurité ne vient pas uniquement de ses apparats visuels et de son atmosphère, mais aussi de la manière que le film, que Clea DuVall, Kristen Stewart, Mackenzie Davis, Dan Levy et Aubrey Plaza ont d’enfin nous inclure dans une histoire si normale, tout en explorant des spécificités propres à nos vécus, et de nous prouver que nous avons notre place à un repas de fêtes en famille plein d’amour et de bons sentiments.

Happiest Season (Ma belle famille, Noël, et moi en VF), réalisé par Clea DuVall. Avec Kristen Stewart, Mackenzie Davis, Dan Levy, Mary Steenburgen, Victor Garber, Aubrey Plaza… 1h42

Author

Jade Domingos

Jade Domingos

Créatrice d'images et de mots. Toujours en hyperbole, elle est passionnée par beaucoup trop de choses beaucoup trop différentes. Des fois (souvent) elle s'imagine super-héroine.

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