Suivre une série qui se base sur le jeu des échecs, dit comme ça, ça peut ne pas faire rêver des masses. Pourtant, si on prend l’une des plumes les plus talentueuses de la fiction américaine, un miracle peut se produire. Scott Frank, déjà auteur de la mini-série Godless, fait taire les sceptiques par un échec et mat suprême avec l’une des séries les plus réussies sorties cette année.
Adapté d’un roman de l’écrivain Walter Tevis, Le Jeu de la Dame raconte l’histoire de Beth ; une jeune fille orpheline victime d’un traumatisme qui va être prise dans une ascension fulgurante du jeu de l’échec. Au-delà de la compétition, c’est aussi un long développement de soi qui va se dessiner le long des sept épisodes.
On devine très facilement ce qui a amené au succès fulgurant de la série sur Netflix. Scott Frank, auteur connu pour son western Godless (et à qui l’on doit aussi Balade entre les tombes, polar noir à l’ancienne avec Liam Neeson et David Harbour qui vaut le détour), fait un travail d’orfèvre pour raconter son histoire. Un récit haletant, aux enjeux simples mais qui n’oublient pas d’être nuancés à mesure que l’on avance progressivement dans le récit.
Interprétée par la toujours excellente Anya-Taylor Joy, que l’on avait remarqué chez M.Night Shyamalan et Robert Eggers, Beth va vivre sa vie comme de véritables défis. Un défi psychologique (suite à un drame familial qui va petit à petit ressurgir), qui va alors entraîner une dépendance aux médicaments puis à l’alcool, un défi pour s’accomplir socialement et rencontrer à sa manière ceux qui vont former son cercle d’amis et, bien entendu, un défi compétitif par le biais des échecs.
Et ici, Frank fait aux échecs ce que John G. Avildsen et Sylvester Stallone ont fait de la boxe. Un véritable sport physique et mental, parsemé de moments imprévisibles et d’un suspens inatteignable. Sans aucun manichéisme, où l’on ne va jamais céder par exemple à la lutte idéologique entre les États-Unis et la Russie, la compétition est d’autant plus palpitante que l’on se sent concerné par le sort des compétiteurs et surtout de l’héroïne que nous suivons. Le parcours de Beth, de son enfance jusqu’aux moments ultimes de la compétition, est raconté linéairement ; sans forcément suivre la voie de la déconstruction narrative que beaucoup de séries utilisent actuellement (et avec brio, pour la plupart du temps). Une lecture fluide de l’intrigue, aidée par un travail remarquable sur la reconstitution de l’époque, qui ramène à un classicisme chère à des auteurs comme Frank, James Mangold ou Marielle Heller, qui aura d’ailleurs un rôle important en tant que comédienne dans cette série. Une fiction audiovisuelle qui se dévore comme un roman, permettant de complexifier le parcours compétitif d’une héroïne hors-du-commun.
Intense de la première à la dernière seconde, Le Jeu De La Dame est une fiction remarquable pour sa capacité à rendre grandiose des trajectoires particulièrement intimes. Captivante, elle vous donnera peut-être même l’envie de vous lancer dans les échecs !