Elie Wajeman embarque Vincent Macaigne dans une spirale infernale au sein des quartiers parisiens nocturnes. Médecin de Nuit est un film-noir social prodigieux qui convoque aussi bien Thomas Lilti que Michael Mann.
Un homme, déambulant sa solitude dans un environnement nocturne, qui s’embarque dans une spirale criminelle sans aucun échappatoire. Un type de personnage que le cinéma contemporain américain s’entiche depuis plusieurs années. Mickaël, ce médecin de nuit interprété par un formidable Vincent Macaigne, aurait de nombreuses choses à partager avec Leo Handler de The Yards, Neil McCauley de Heat ou bien Howard Rattner de Uncut Gems. Des trajectoires chaotiques avec l’espoir d’horizons meilleurs, où le cercle familial tourmenté épouse peu à peu les voies de la criminalité et où les rues nocturnes deviennent méconnaissables à leurs yeux. Elie Wajeman se réapproprie des codes d’un certain cinéma américain pour les transposer avec succès dans les rues parisiennes, qui seront alors filmées comme nulle autre ne l’a fait ; avec inquiétude et contemplation.
Car Médecin de Nuit est un film qui ne vous lâchera pas jusqu’à la dernière seconde. Si la réalisation ne reprend pas, par exemple, la caméra effrénée des frères Safdie pour nous tenir en haleine ; le scénario va reprendre ses mécanismes pour malmener notre personnage principal. Une âme au parcours chaotique, en quête de bien et de compagnie, qui va devoir se confronter à de douloureux dilemmes moraux. Vincent Macaigne livre ici l’une de ses plus belles performances ; un homme d’une humanité sans limite qui contient en permanence une violence qui est à deux doigts de lâcher sur le monde qu’il côtoie la nuit (à noter une belle performance à contre-emploi de Pio Marmaï).
Toutefois, faire une simple transposition du cinéma américain à la sauce parisienne aurait été trop facile. Ce qui fait le coeur de cet excellent film est la dimension sociale qu’elle explore. Les moments où l’on peut respirer calmement dans le film sont ceux où notre héros complexe est en contact avec ses patients. Lors de ces scènes d’une documentation rare qui rappelle les travaux de Thomas Lilti, le film amplifie l’humanité aussi complexe que celle des figures que l’on rencontre. Elles permettent aussi de témoigner d’une réalité sociale à se préoccuper de tout urgence. Bien qu’il privilégie avant tout le soin de faire un film-noir, le film n’oublie pas de nous plonger dans un contexte bien réel qu’il faut alors prendre en considération. En cela, il est alors un film remarquable en tant qu’objet de genre et charge sociale.
Médecin de Nuit. Réalisé par Elie Wajeman. Avec Vincent Macaigne, Pio Marmaï et Sara Giraudeau. Durée : 1h22.