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Space Jam – Nouvelle Ere : la critique du film

Une publicité géante avec un célèbre lapin en cartoon et un joueur phare de la NBA, ça ne vous rappelle rien ? Près de 25 ans après avoir emmené de force Michael Jordan dans le monde des Looney Tunes, c’est au tour de LeBron James de se prêter au jeu. On dit toujours qu’une suite réussie doit être plus forte, plus spectaculaire. Et bien Space Jam 2 – Nouvelle Ère réussit à faire pire que son prédécesseur en ne se cachant même pas du cynisme publicitaire qui règne pendant deux longues heures.

En 2013, le réalisateur israélien Ari Folman sortait une adaptation très libre du roman Le Congrès de futurologie. Se servant de la base dystopique du récit de Stanislaw Lem, Le Congrès propose une réflexion futuriste sur l’identité d’une comédienne (Robin Wright, jouant son propre rôle) et l’appartenance de son image qu’un studio de cinéma souhaite récupérer digitalement. En proie à de sérieux troubles familiaux et à une carrière en déclin, la comédienne accepta. Un saut dans le temps nous fait retrouver la même Robin Wright dans un monde animé cette fois-ci, où il est possible d’être ce que l’on veut dans une réalité pourtant bien plus ténébreuse. Huit ans plus tard, si nous ne sommes toujours pas tombés dans cette dystopie effrayante, Space Jam – Une Nouvelle Ère en est pourtant un bien triste présage.

La suite du film de Joe Pytka démarre pourtant comme le film de Folman. Bien que sa carrière ne soit pas traversée d’un doute, comme le fût la storyline de Michael Jordan dans le premier, l’image de LeBron James est en jeu. Une image basée sur ce qu’il souhaite laissé à la NBA, représentée alors par une problématique familiale où LeBron insiste pour que son fils suive ses pas plutôt que de devenir développeur de jeux-vidéos. Mais surtout une stature basée sur son aura de joueur professionnel, quand un algorithme de la Warner Bros et les exécutifs des studios (incarnés sans que l’on sache pourquoi par Steven Yeun et Sarah Silverman) souhaitent intégrer l’image du joueur dans n’importe quel produit des studios Warner. Suite au refus du joueur, trouvant l’idée idiote (ce qui relève du bon sens), l’algorithme incarné par un cabotin Don Cheadle envoie le joueur et son fils à l’intérieur des serveurs de la Warner. Afin de sauver son fils, LeBron doit réunir une équipe de choc pour affronter l’intelligence artificielle à un match de basket. Un concours de circonstances lui fera donc réunir la Tune Squad. Et c’est là où l’on se rend compte de ce qu’il se passe : Malcolm D. Lee, cousin de Spike Lee (visiblement, le talent n’est pas question d’hérédité…), doit aimer ce qu’il se passe dans le monde imaginé dans Le Congrès.

Un monde où tout semble propre, lisse et sans sens du réel. Où l’on oublie les malheurs du quotidien pour se réfugier dans ce qui a déjà été créé dans la pop-culture. Qu’est-ce qui pourrait provoquer cela dans le monde réel ? Peut-être une plateforme de streaming que la Warner a lancée pour proposer du vieux et refaire du neuf à partir de choses déjà créées ? Derrière un discours puant d’hypocrisie à base de “fais ce que tu aimes dans la vie”, Space Jam 2 – Une Nouvelle Ère est une publicité géante pour HBO Max. Dans une tribune consacrée à Federico Fellini pour Harper’s Magazine, Martin Scorsese évoquait avec émotion le détournement d’œuvres cinématographiques par des algorithmes les renvoyant au rang de contenus. Algorithmes “basés sur des calculs, qui traitent le spectateur comme un consommateur et rien d’autre.”. Et si je vous parle de ce cher Marty, c’est parce que ce qu’il raconte est vrai et, tenez-vous bien : Space Jam 2 – Une Nouvelle Ere est un algorithme.

Et si l’algorithme représenté dans Space Jam 2 est surtout représenté comme une version plus crétine et arrogante qu’était le vilain incarné par Steve Martin dans Les Looney Tunes passent à l’action !, l’algorithme qu’incarne le film serait Steve Buscemi en tenue de skate-boarder risible qui tente de s’intégrer dans un lycée comme on le voit dans la série 30 Rock. Quelque chose d’absurde alors, de profondément ringard dans la démarche. C’est un film qui ne souhaite pas comprendre les personnages légendaires qu’il met en scène, qui refuse de savoir à quel public il doit s’adresser et qui ne sait pas ce qu’est d’écrire un scénario et encore moins celui d’une suite.

On vous dit Looney Tunes, film familial et basket-ball en 2021 : est-ce que vous répondez Porky Pig qui fait du rap, Bugs Bunny qui danse sur du MC Hammer, Rick et Morty qui font des expériences sur Taz, des caméos des droogies d’Orange Mécanique et une incrustation de Sam Le Pirate dans Casablanca (tout ça pour la réplique “Play it again, Sam”) ? Évidemment que non, vous ne vous attendiez pas à un tel fourre-tout référentiel prétexte à inciter des abonnements à une plate-forme. Ce genre de scènes se succèdent sans jamais provoquer autre chose que du dépit chez les spectateurs. On pouvait dire ce que l’on voulait du premier Space Jam, pointer du doigt à raison son aspect tout aussi publicitaire que l’opus suivant, mais au moins, on pouvait s’amuser avec les Looney Tunes, Michael Jordan, Wayne Knight, Bill Murray et Danny De Vito. Quand un film de la Warner capitalise sa promo sur les Looney Tunes pour au final les reléguer sur le banc du second plan, c’est qu’il y a un grave problème de compréhension. Un problème pour le spectateur car Warner, livrant un pur produit algorithmique, ne semble pas vouloir se préoccuper de la gravité de la situation.

Space Jam 2 est un objet représentatif du refus des studios à aller de l’avant, à créer de nouvelles histoires et de nouveaux personnages. Préférant ignorer le cœur de son récit et de son personnage pour n’être qu’une publicité géante davantage destiné aux adultes qui sortiront l’argent pour s’abonner à HBO Max, il est alors qu’un infâme produit cynique auquel on aimerait dire un jour : C’est fini, les amis !

Space Jam – Une Nouvelle Ere. Réalisé par Malcolm D. Lee, avec LeBron James et Don Cheadle. Durée : 1h56

Author

Victor Van De Kadsye

Victor Van De Kadsye

Créateur du site. Je ne vis que pour des artistes comme Michael Mann, Clint Eastwood, Hou Hsiao-hsien ou bien Kelly Reichardt. Capable de réciter n'importe quel réplique de l'âge d'or des "Simpson".

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