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The Nice Guys et L.A Confidential : Once upon a time… in Los Angeles

Entre les événements de L.A. Confidential et ceux de The Nice Guys, deux décennies se sont écoulées. Pourtant, un seul être a traversé ces deux polars différents l’un de l’autre : celui qui parcourt le monde pour combattre n’importe quoi, si l’on en croit les créateurs de la série South Park, Russel Crowe. C’est ce point commun si évident qui a permis l’idée de cet article, qui étudiera comment les univers de James Ellroy et Shane Black ont pu se croiser.

L.A. Confidential est un film réalisé par Curtis Hanson, tiré d’un polar historique écrit par James Ellroy. Il raconte l’enquête complexe, par trois figures policières singulières, d’un braquage qui a coûté la vie à de nombreuses personnes dans les années 50. Russel Crowe y incarne l’officier de police Bud White, colosse sanguin qui n’a comme seule sagesse ses poings. Cet agent brutal devra faire équipe avec un agent carriériste amené à faire respecter la loi (interprété par Guy Pearce) et un agent adepte de petits coups louches qui fricote avec le monde de la télévision et du journalisme à sensation (interprété par Kevin Spacey). 

Mêmes décors, même acteur principal mais pas la même époque, The Nice Guys raconte l’enquête de deux marginaux (alors joués par Ryan Gosling et Russel Crowe, donc) à la recherche d’une jeune femme qui attire la criminalité de la cité des anges. Une enquête qui, au fil des rebondissements, deviendra un véritable noeud impliquant différentes organisations, aussi bien artistiques, entrepreneuriales et gouvernementales. Il est réalisé par Shane Black, qui a déjà planté le décor à Hollywood avec son film Kiss kiss bang bang avec Robert Downey Junior et Val Kilmer.

Les liens entre les deux films sont évidents : le monde du spectacle sert de lieu de décor à une enquête sordide et Russel Crowe distribue des tatanes à tous ceux qui lui cherchent des noises. Pourtant, plus on les rapproches, plus les films se complètent dans ce qu’ils racontent sur la fiction.

L.A Confidential : fabriquer la vérité

Dans ces deux films, il est avant tout primordial de savoir raconter une histoire. C’est cela qui va jouer en la faveur et aussi la défaveur des protagonistes que nous rencontrons. L.A. Confidential démarre immédiatement dans cet optique-là ; présenter la ville et son contexte. La première chose qui nous verrons du film sera d’ailleurs une carte postale.

Une chanson, Accentuate the Positive de Johnny Mercer and the Pied Pipers, se lance alors. Morceau aux paroles significatives pour l’intrigue du film (You”ve got to accentuate the positive / Eliminate the negative / And latch on to the affirmative / Don’t mess with mister in-between), elle se trouve superposée à la lecture d’un article écrit simultanément par un journaliste véreux incarné par Danny DeVito, qui va annoncer la couleur sur l’état moral de la ville de Los Angeles. Un zoom sur la carte, suivi d’un fondu enchaîné sur des images d’archives, nous invite à plonger dans cette réalité enjolivée de la Cité des Anges. Les images se succèdent au même moment que le générique défile, promesse de séjour paradisiaque par les plans sur la plage et les champs ; promesse de trouver sa voie professionnelle et même la célébrité. L’American way of life, en somme. Puis, soudainement, un rire interrompt ce discours faussement publicitaire.

Le personnage de Sid Hudgens (joué par DeVito, donc) ne souhaite pas rendre le spectateur dupe et annonce que cette promesse de jardin d’Éden américain n’est qu’une publicité vendue par les différents médias et arts tels que le cinéma, la télévision et la radio. La ville de Los Angeles, censée avoir la meilleure force policière du monde, est en proie à la criminalité suite aux activités de Mickey Cohen. La séquence commence déjà à gratter le vernis entre ce qui est vendue et sa réalité. Cette ouverture apparaît comme une bande-annonce, en quelque sorte, qui va voir l’idée qu’elle énonce réfléchie pendant deux heures et dix-sept minutes de film. 

Car la création des illusions est ce qui sera la mécanique des protagonistes de ce polar. L’enquête du braquage au Night Owl révélera bon nombre de rebondissements, où beaucoup d’éléments s’avèrent fabriqués pour ne pas ternir une image irréprochable de la police. Une arrestation devient imaginaire, où la police se sert d’une mentalité discriminatoire pour faire porter le chapeau d’un crime à une minorité, elle devient aussi publicitaire lorsqu’une arrestation est milimétrée comme un lieu de tournage près d’une salle de cinéma où se déroule une avant-première.
Au-delà d’être un polar efficace, L.A. Confidentiel tient son brio par sa manière de capter l’essence d’une ville et pour l’appliquer à une charge critique contre la corruption policière dans les années 50. Vingt ans après les évènements du film, on pourrait imaginer que l’agent Bud White a changé d’identité et paraît plus désabusé que jamais dans la ville. On retrouve un Russel Crowe marginal dans The Nice Guys, où plus personne n’est dupe quant à cette façade mensongère et idéalisée.

The Nice Guys : dévoiler la vérité

The Nice Guys peut paraître comme un effet miroir à ce que racontait L.A Confidential. Celui qui sert d’intermédiaire entre les deux, on l’a dit, c’est Russel Crowe. Sa première séquence rappelle celle qui introduit Bud White dans le film de Hanson, son personnage s’introduisant dans le domicile d’un individu pour mettre un terme à un cas d’abus. Néanmoins, le monde du spectacle et son extravagance traverse aussi les deux longs-métrages. The Nice Guys raconte l’histoire de deux détectives privés losers qui enquêtent sur l’apparent suicide d’une star du X et la disparition soudaine d’une jeune femme recherchée. Petit à petit, le duo d’enquêteurs va se frayer un chemin au sein du monde du spectacle hollywoodien, de plus en plus dépassé par son outrance et la paranoïa qui règne politiquement chez la jeunesse.

Au départ, on pourrait croire que le film prolonge le final de L.A Confidential. Une balade cynique dans les rues de Los Angeles, réalisé par Shane Black, cinéaste old-school à qui l’on doit un paquet de péloches cultes des 80’s. Une salle de cinéma brûle, le glauque apparaît de plus en plus au fil de l’enquête. Mais Black refuse de céder à la noirceur. Après tout, derrière la violence de ses scénarios se trouve toujours une lueur d’espoir. 

Bien que impitoyable par moments, notamment envers le personnage joué par Margaret Qualley, le film souhaite justement subvertir le propos dit dans le film de Hanson et Ellroy. Ce n’est plus aux standards gouvernementaux et hollywoodiens de dire aux citoyens que faire, mais à la contre-culture et à la jeunesse.

C’est une bobine d’un film pornographique qui devient la clé pour révéler une conspiration industrielle ; c’est à une enfant d’aider deux enquêteurs bras-cassés à mener l’enquête ; c’est une bande d’étudiants qui protestent contre une catastrophe écologique. Ce que Black révèle est que plus personne ne croit à une idéalisation parfaite de la société américaine ; synthétisée par la ville de Los Angeles. Mais si plus personne n’y croit, tout le monde choisit de lutter et parasiter cette corruption. Le sérieux propre au genre du polar se voit contaminé par des éclats de rires fulgurants et perpétuels, qui provoque ainsi une attitude totalement désinvolte. Notamment grâce à la badasserie de Russel Crowe mais surtout d’un Ryan Gosling lunaire dans ses propos. 

Tout en imaginant un film hors-du-réel, par ses constants ruptures de tons, Black prolonge le travail de L.A Confidential en donnant espoir sur les générations futurs à venir. Révélant d’emblée la corruption de la ville, il préfère dynamiter cela en donnant la parole à ceux que l’on tente directement d’écarter au sein de la société.

L.A Confidential et The Nice Guys se rejoignent alors pour une envie farouche de faire dévoiler la vérité par leurs personnages ; une qui était longtemps cachée aux yeux de ses acteurs de l’histoire et l’autre qui était sue dès le départ par une bande de marginaux. L’un étant sérieux et l’autre comique, le visionnage successive de ces deux films révèle une figure étonnante de Los Angeles.

Author

Victor Van De Kadsye

Victor Van De Kadsye

Créateur du site. Je ne vis que pour des artistes comme Michael Mann, Clint Eastwood, Hou Hsiao-hsien ou bien Kelly Reichardt. Capable de réciter n'importe quel réplique de l'âge d'or des "Simpson".

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